Je dois aux Oryx un des plus beaux souvenirs de ma vie, plusieurs des plus beaux souvenirs de ma vie. Et l’annonce du lâcher récent de 20 oryx gazelles dans la réserve de M’cissi, c’est-à-dire pas loin de Mezgarne me remplit vraiment de joie.
C’était à des milliers de kilomètres du Maroc, dans une Afrique australe qui est très différente du Maroc, tout en partageant avec lui des choses essentielles. Les déserts d’Afrique du Sud et de Namibie sont aussi remplis de grandes bêtes sauvages que vides d’humains.
Là-bas, il est beaucoup plus rare de rencontrer des nomades, en dehors des zones d’habitat traditionnel des San, par contre les grands fauves (le « game ») n’ont pas été décimés jusqu’à l’extinction comme ce fut le cas au Maghreb, depuis les jeux du cirque de Rome jusqu’à la mort du dernier lion de l’Atlas en liberté, dans les années vingt.
Le désert marocain, surtout dans notre région, est trop densément parsemé d’oasis pour que la cohabitation avec les grands animaux sauvages soit facile. Les fauves ont besoin de proies, les herbivores sont en compétition avec les troupeaux de chèvres, de moutons et de dromadaires, le déboisage pour l’entretien du foyer…
Les zones de chasse existent encore, mais elles sont loin d’attirer autant les passionnés que l’Afrique australe, que la chasse soit « véritable » ou photographique. Les réserves sont assez rares, les zones naturelles peuvent être défigurées par les sacs plastiques au gré des mauvais vents. On parle plus de la faune pour les espèces en voie de disparition, en particulier de nombreux oiseaux et reptiles (pour les oiseaux, il faut être honnête, le Maroc est loin d’être responsable de la baisse du nombre de migrateurs).
Or le Maroc a un plan de réintroduction progressive de différentes espèces, qui soit se faire très progressivement :
- comme partout, réhabituer des animaux élevés en « réserve » et donc en captivité (même si celle ci n’a rien à voir avec le zoo) avec la véritable vie sauvage
- éduquer les populations, dans le même temps, pour arriver à préserver les zones de réintroduction, éviter l’arrachage des arbres, entre autres ; car si les espaces réservés sont théoriquement fermés à toute exploitation, en pratique, les contrôles ne sont pas très efficaces
- réintroduire les espèces dans le bon ordre (proies d’abord, prédateurs ensuite), en évitant aussi qu’une espèce ou une autre endommage les cultures, soit en broutant, soit simplement en passant…
Dans ce cadre, le transfert de vingt oryx d’une semi-captivité à la réserve de M’cissi est une étape importante. En effet, l’oryx algazelle est au bord de l’extinction et fait l’objet de programmes d’élevages dans de nombreux zoos et réserves.
L’Oryx Algazelle ou Oryx Dammah
Peuplant autrefois toute l’Afrique du Nord, le Niger et le Tchad, l’oryx dammah n’existe plus à l’état sauvage.
L’oryx algazelle a une robe beaucoup plus claire et beaucoup moins marquée que l’oryx « gazelle » qu’on trouve en Afrique australe et qu’on appelle généralement gemsbock. En réalité, le pelage est presque blanc, à l’exception du poitrail et du bout de la queue, de couleur fauve. On l’appelle ainsi aussi oryx blanc, alors que le véritable oryx blanc vit dans la péninsule arabe. Il a un pelage réellement blanc, avec des marques sur la tête que n’a pas l’oryx algazelle. (Pour l’oryx algazelle, les marques sont de très petite taille).
Avec sa hauteur à l’épaule de 1m20 et son poids moyen de 150 kg, l’oryx algazelle est plus imposant que l’oryx blanc, nettement moins que le gemsbock.
L’oryx algazelle est bien adapté aux zones désertiques. Il est capable, comme les autres oryx, de passer plusieurs semaines sans boire, et de s’arrêter même de transpirer, en cas de sécheresse importante. Néanmoins, il reste sur les zones de savane et dans les régions pré-désertiques, mais ne s’aventure pas dans les zones réellement désertique, à la différence des deux autres oryx.
Les programmes de réinsertion des oryx et de gazelles
Les premiers programmes de réinsertion des oryx ont concerné les oryx blancs, dans la péninsule arabique. Le programme marocain, mené par le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts
et à la Lutte Contre la Désertification, a profité de ces expériences. Aujourd’hui, avec 353 oryx répartis dans différents lieux, le Maroc est le pays qui a le plus grand nombre d’oryx dammah vivants. D’autres réintroductions sont prévues, dans la région d’Errachidia et de Boujdour.
La réserve de M’cissi se situe au sein de la réserve de biosphère des oasis du sud marocain. A proximité de la route qui va de Rissani à Tazzarine, elle offre des potentialités touristiques plus importantes que d’autres zones, et permet de renforcer la protection de la nature avec le « retour sur investissement » touristique, vis-à-vis des populations locales.
D’autres espèces bénéficient aussi de programmes de réintroduction, dont la gazelle dama mhorr, l’addax et le cerf de berbérie (malgré son nom, l’oryx algazelle n’est pas une gazelle mais un hippotrague, les gazelles quant à elles appartiennent à la famille des antilopes… on y perdrait son berbère !). L’addax est aussi un hippotrague, mais aux cornes tordues, à la différence des oryx. La gazelle damma sera elle aussi réintroduite à Mcissi…
Espérons que cette population d’oryx va croître, suffisamment pour sauver l’espèce de l’extinction, suffisamment pour que l’on se décide à les relâcher complètement libres….
Laissez un commentaire