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  • Une visite à l’Académie des Arts Traditionnels

    Je suis affreusement en retard sur de nombreuses choses que je voulais vous raconter sur ce blog, la première étant une visite faite en juin à l’Académie des Arts Traditionnels, à Casablanca.

    Cela fait partie des endroits « moins » connus et qui valent tout à fait qu’on leur consacre, quand c’est possible, une heure ou deux dans le cadre d’une visite de Casablanca, la ville « mal aimée » des touristes, qui a pourtant de très belles pépites à proposer.

    L'entrée de l'Académie des Arts Traditionnels, derrière la mosquée Hassan II

    L’entrée de l’Académie des Arts Traditionnels, derrière la mosquée Hassan II

    L’Académie des Arts Traditionnels, donc, est une école qui forme des artisans de très haut niveau dans les secteurs traditionnels, à savoir :

    • la bijouterie
    • le fer forgé
    • le bois
    • le cuir
    • le tissage
    • la céramique
    • les « plâtres » et les stucs
    • la pierre
    • la calligraphie

    Créée par le roi Mohammed VI et gérée par la Fondation de la Mosquée Hassan II, elle fait partie d’un ensemble d’actions qui ont été entreprises depuis quelques années pour préserver et améliorer la transmission du savoir-faire artisanal, la qualité même de celui-ci. Elle est en quelque sorte le « Polytechnique » d’un ensemble de formations dispensées dans différentes écoles qui visent à améliorer la transmission traditionnelle de Mâalem à apprenti.

    Pourquoi faire des écoles ?

    En effet, le mode traditionnel d’apprentissage de ces métiers artisanaux est de moins en moins adapté. La transmission de père en fils commençait autrefois (et encore beaucoup aujourd’hui) très jeune, il n’était pas rare de voir des enfants d’une dizaine d’années passer plusieurs heures dans l’atelier de leurs parents, ou d’un maître chez lequel ils étaient en apprentissage. Les progrès de la scolarisation obligatoire repoussent cette entrée dans la « vie active », ou réduisent beaucoup les heures consacrées à l’apprentissage.

    De plus, les mâalems ne peuvent transmettre que ce qu’ils ont appris. Beaucoup ont un niveau d’instruction générale faible, ont de grandes difficultés à s’adapter à des techniques modernes, ou même à conceptualiser leur art.

    Plafond berbère traditionnel (vallée des Roses) avec des motifs géométriques complexes

    Pour ne prendre que l’exemple des arabesques, il faut avoir une bonne capacité d’abstraction géométrique pour pouvoir concevoir l’imbrication de cercles qui va donner les motifs en polygones et en rosaces largement utilisés en décoration. La plupart des mâalems n’ont pas cette connaissance et se contentent de reproduire des modèles dont ils disposent. Pire encore, pour éviter d’être concurrencés par leurs élèves, ils ne donneront qu’à leur successeur la totalité du modèle, contraignant les autres élèves à dépendre d’eux.

    C’est ainsi que, peu à peu, un savoir-faire traditionnel tellement remarquable qu’il a donné son nom à la « maroquinerie » (eh oui… l’art des cuirs de Marrakech), s’étiole et s’appauvrit.

    A tel point que la réalisation de la mosquée Hassan II, justement, a nécessité de faire appel à de nombreux artisans étrangers.

    Une pièce de cuir ornée des motifs qu’on trouve habituellement sur les tapis berbères

    A côté de l’amélioration des routes, de l’électricité, etc. un des chantiers discrets du règne de Mohammed VI est la préservation et la redynamisation de l’artisanat marocain.

    L’Académie des Arts Traditionnels

    Exposition de travaux des élèves, dont de très beaux pendentifs en filiagrane

    J’ai eu la chance d’avoir une visite extrêmement détaillée de l’atelier de bijouterie, lors de journées portes ouvertes. J’ai en effet été invitée par une connaissance par internet, François Allier, un bijoutier-fondeur français passionné, qui est aussi « historien d’art et techniques » (je ne sais pas comment cela s’appelle en vrai) et qui travaille avec des archéologues pour reconstituer les techniques utilisées autrefois, par exemple par les romains quand ils fondaient d’immenses plaques de bronze. Vous pouvez d’ailleurs voir son travail sur son site, Les Bijoux de l’Oppidum. François vient régulièrement au Maroc, pour transmettre son savoir-faire, notamment à l’Académie.

    C’est d’ailleurs la première chose qui m’a frappée, après la qualité globale des lieux. Si l’Académie traite des arts traditionnels, elle entend bien ne pas les transformer en une pièce de musée, et leur permettre d’évoluer en fonction de leur environnement. Aussi de nombreux professeurs étrangers sont-ils régulièrement invités, des professionnels du design, de la mode… ce jour-là j’ai vu passer dans l’atelier textile une styliste qui travaille chez Vuitton ou Hermès, je ne me souviens plus, dont le look n’aurait pas déparé dans un défilé de mode, et qui pousse les élève de cette filière à réinterpréter les techniques traditionnelles.

    Le résultat ? Par exemple, une très belle pièce de tissage, faite à partir de jeans totalement effilochés, de matériaux plastiques recyclés, qui reprend en les modifiant légèrement les motifs traditionnels des tapis. Ou des sacs de voyage en cuir, très beaux, inspirés de la structure démontable des tentes.

    Dans l’atelier de bijouterie, j’ai pu voir de superbes pièces, très largement supérieures en qualité à ce qu’on trouve généralement dans les souks et les kissarias. Et surtout, là aussi, il y a une volonté de création évidente.

    La main de Fatima fermée

    J’aime tout particulièrement cette montre à secret, en cours de fabrication (le métal n’est pas encore poli, il reste des finitions). Elle reprend le motif traditionnel de la khamsa, la main de Fatima, un talisman contre le mauvais oeil, mais elle s’ouvre pour révéler une petite montre. L’alliance parfaite entre tradition et modernité.

    La main se déplace, révélant une montre cachée

    Ou ce collier en cours de réalisation. Si vous connaissez un peu la décoration arabo-berbère, ses motifs vous rappellent immédiatement quelque chose. Les espaces en creux sont destinés à être ensuite émaillés, reproduisant finalement les motifs floraux colorés qu’on voit habituellement sur les murs et les plafonds peints…

    Comme dans toute école de formation, les élèves travaillent sur du laiton à la place de l’or. C’est un métal beaucoup plus difficile à travailler, quand on arrive à faire d’aussi jolies choses, aussi bien faites, avec du laiton, les production en argent et en or seront superbes !

    Un des motifs du collier, avec les chatons préparés pour recevoir des pierres

    Pour revenir sur les locaux… imaginez-vous travailler dans un grand bâtiment clair, très haut de plafond, dont les salles de classe ont des fenêtres qui donnent sur l’esplanade de la mosquée et la mer ? François Allier disait qu’en bijouterie, les salles de classes sont mieux équipées que les écoles où il enseigner en France !

    Ce que vous pouvez voir

    L’Académie elle-même ne se visite pas en permanence, c’est avant tout une école. Mais, en dehors de ces journées portes ouvertes, elle organise régulièrement des expositions. Elle a aussi un musée permanent, avec des collections de grande qualité.

    Les élèves de la bijouterie, avec leur professeur

    L’Académie se trouve derrière la mosquée, dans le complexe de bâtiments qui accueille aussi le centre d’études islamiques et la médiathèque.

    C’est tout d’abord un très bel endroit. Je fais partie des gens qui aiment l’architecture de cette grande mosquée claire, cette immense esplanade tournée vers la mer, et nous recommandons toujours de la visiter. Après avoir vu la mosquée (la visite dure environ une heure), sur le parvis, tournez le dos à la mer et dirigez vous vers les bâtiments sur votre gauche. C’est là que se trouve l’entrée du musée. (Sur la droite, vous avez aussi un jardin sous des colonnades, c’est le côté bibliothèque et études islamiques).

     

    One Comment

    1. Adil le référenceur qui a perdu son lien
      Posted 22 Oct '15 at | Permalink

      les images sont si magnifiques j’adore tout ce qui est traditionnel

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