Balances de l’Istliqual
Pour comprendre un peu ce qui s’est passé la semaine dernière
Le Maroc a, comme la France, deux chambres de réprésentants, la chambre des députés, Majliss-annouwab, qui est élue au suffrage universel direct, tous les 5 ans, et la chambre des conseillers, Majliss-al-mustacharin, qui est élue au suffrage indirect, renouvelable tous les trois ans par tiers.
Vendredi dernier, on votait pour les députés.
33 partis présentaient des députés, mais 6 d’entre eux seulement sont vraiments importants. A eux seuls ils regroupent 83% des élus. Et les partis sont regroupés dans trois grandes coalitions.
Comme beaucoup d’électeurs sont illettrés, chaque parti est représenté par un symbole graphique, qui est aussi porté sur les bulletins électoraux et les affiches. Evidemment avec 33 partis, on est vite à court, et j’ai vu un député symbolisé par une voiture !
Voiture d’Al Had
L’enjeux des élections est autre qu’en France. Les deux chambres n’ont qu’un pouvoir consultatif, le Roi reste seul maître à bord, et il peut parfaitement, comme en 2002, choisir un Premier Ministre totalement en dehors des partis. En même temps, dans un pays en conquête de démocratie, elles sont une sorte de sondage à grande échelle, il est important qu’elles se déroulent bien, et que les députés remplissent leur rôle au mieux.
Le système a ceci aussi de différent qu’en quelque sorte, le Roi “négocie” les élections avec les partis. En 2002, il avait convaincu le PJD, le parti islamiste modéré, de ne présenter des candidats que dans 20% des circonscription, par exemple. En 2007, le PJD a présenté des candidats partout dans le pays. Le Roi autorise l’existence des partis politiques, il accepte les candidats… en quelque sorte, le Palais a un pouvoir de préparation des élections qui est très important, un lissage des opinions qui vont s’exprimer ensuite.
Pigeon des indépendants
Une participation en chute libre
C’est le point noir de cette élection. Moins de 40% des électeurs se sont dérangés.
Parce qu’ils pensent qu’il est inutile de voter. Le Roi fait tout, décide tout, donc pourquoi éliré des représentants ?
Les députés sont corrompus, ils aident leur famille et leurs amis, pourquoi se dérander pour les élire ?
La démocratie n’est pas parfaite au Maroc, on refuse de participer…
Chacun de ces arguments a un petit bout de vrai. Et en tout cas il est clair que dans toutes les réformes importantes, statut personnel, développement économique, le Roi est moteur, très moteur.
C’est finalement le côté pervers de son implication sur le terrain, il apparait différemment, et pour des raisons autres, un monarque tout aussi absolu que son père.
C’est d’ailleurs le message des observateurs internationaux officiels : les opérations de vote se sont parfaitement bien passées, mais il faut absolument redonner confiance au peuple dans les institutions démocratiques, pour susciter une plus forte participation.
Lampe du PJD
C’est la faute au terrain, les sangliers avaient mangé quelque chose de trop lourd
Cette réplique, tirée d’Astérix aux Jeux Olympiques, représente bien l’état d’esprit du PJD, le parti islamiste, qui n’a eu que 46 sièges, alors qu’ils en attendaient plus de 70. Arrivés troisièmes en 2002, avec 42 sièges, alors qu’ils ne se présentaient pas partout, les islamistes apparaissent d’ors et déjà comme les grand perdants de cette élection, puisqu’ils ne parviennent à gagner que 4 sièges de plus. Et ils accusent la corruption et l’achat de voix.
Mais dans un contexte de si faible participation, cette excuse n’a aucun sens. Il n’y a certainement pas eu de bourrage d’urnes, tout simplement parce qu’elles sont restées vides de votes.
Alors pourquoi ? Sans doute de multiples facteurs, au sein desquels les attentats islamistes du printemps, le fait que le pays va mieux, le fait que les islamistes, présents à l’assemblée depuis maintenant 5 ans ont poruvé à leurs électeurs qu’ils ne pouvaient pas faire plus ou moins que les autres, la maîtrise exercée par le ministère des Cultes (Habbous) sur l’expression religieuse, la lutte contre les bidonvilles et l’extrême pauvreté … Et sans doute aussi tout simplement une mauvaise implantation dans beaucoup des communes où ils ne s’étaient pas présentés en 2002.
Il ne faut pas se leurrer, l’islamisme a gagné du terrain ces dernières années au Maroc, mais pas assez pour être une force politique qui compte.
Rose de l’USFP
La victoire des partis traditionnels
L’Istliqual, le parti traditionnel, fondé avant l’indépendance, sort le grand vainqueur, arraivant en tête avec 52 sièges, au lieu de 48. En troisième place arrive l’UFSP, Union socialiste des forces populaires, avec 38 sièges, eux en ont perdu beaucoup par rapport à 2002 (12) sans doute au profit du Mouvement populaire, 41 au lieu de 27 (mais comme d’autres partis de la même coalition ont disparu, c’est peut être un regroupement).
Les grands blocs restent stables… finalement les élections n’ont pas changé grand chose. La seule question est : si il y avait eu plus de participants, l’auraient-elles fait ?
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