Sijilmassa fut une des premières villes impériales du Maroc.
Fondée en 757, à l’époque du règne de Pépin le Bref, c’est la plus ancienne des villes du sud, au delà de cette zone occupée par les Phéniciens puis les Romains, et qui s’arrêtait à peu près au niveau de Meknès
Comme la plupart des grandes villes du sud, elle fut fondée comme la capitale d’un mouvement à la fois religieux et politiques, les kharijites.
Pour faire simple, les kharijites étaient des ascètes, des puritains, dont le courant était né à l’époque de l’éclatement entre chiites et sunnites. Ils refusaient tout luxe, leurs dirigeants devaient être choisis pour leurs vertus, et se soumettre au même ascétisme. Ils étaient à la fois contre les chiites qui voulaient choisir les dirigeants de l’Islam uniquement dans la famille du Prophète, et contre les sunnites, qu’ils trouvaient bien trop corrompus.
En Afrique du Nord, l’ascétisme kharijite correspondait aux structures « démocratiques » des berbères, et se teinta très fortement d’une résistance aux Arabes.
Tout le pays berbère fut pendant très longtemps marqué par l’exigence de vertu et de simplicité de ce mouvement, qu’on peut rapprocher des cathares, et les fondements du kharijisme se retrouvèrent ensuite dans beaucoup de mouvements, jusqu’à leur disparition quasi totale. Partis de Kairouan (d’où 2.000 familles s’enfuirent pour venir à Fès et fondèrent notamment la mosquée Quaraouyine), les kharijites fondèrent plusieurs grands centres religieux, dont Sijilmassa.
Sijilmassa était donc un centre spirituel, mais surtout un centre commercial.
Point de passage des grandes caravanes sahariennes, elle voyait le commerce de l’or, de l’ivoire, du sel avec les azalaï, des esclaves, des produits du Maroc comme le cuir filali. Et, grâce à l’oued Ziz, elle était au centre de l’immense palmeraie du Ziz et de sa richesse agricole.
De cette richesse reste l’habitude, rare, pour les femmes de la région, de porter des bijoux d’or.
Avec le commerce venait le cosmopolitisme, les influences diverses, et aussi la puissance économique. Son pouvoir était tel qu’elle battait sa propre monnaie qu’on retrouvera très loin, de l’autre côté de la Méditerranée, jusqu’en Jordanie.
L’histoire du sud du Maroc est un long tissu de rivalités et de batailles.
Sijilmassa fut souvent contestée, les sultans des différents royaumes du Maroc cherchaient soit à abattre sa puissance, soit à la confisquer. Fondée par les berbères Zenètes, une des très grandes tribus nomades, Sijilmassa fut finalement vaincue par les almoravides, qui la détruisent, et permettent à Rissani où était venu, il y a longtemps, Moulay Ali Chérif, de prendre son essor.
Rissani reprend les fonctions de centre commercial, et devient le coffre-fort des alaouites
Sijilmassa est devenu un tout petit bourg, où vivent encore quelques familles, jusqu’à sa destruction totale, en 1818, par les Aït Atta, une des autres grandes tribus nomades, venue de Mauritanie et non de l’est, comme les Zénètes.
Aujourd’hui, il ne reste de Sijilmassa que quelques ruines, exhumées lors d’une campagne de fouille, de puissants murs de pisé, qui étaient autrefois ceux de la kasbah du calife et de la Grande Mosquée. On peut imaginer un peu la puissance de la ville, en regardant l’épaisseur des murs, et surtout la surface qu’ils entourent, mais l’environnement, en sortie de ville, dépourvu de toute explication, à proximité d’un terrain de sport, n’aide pas l’imagination.
Il ne fait pas honneur à l’activité des archéologues suisses, marocains et américains qui ont travaillé sur le site depuis les années 70.
Pour aller à Sijilmassa
On y accède relativement facilement, au sortir de Rissani en direction de Zagora, puis, à environ un kilomètre (juste avant un terrain d’entraînement sportif, sans doute militaire, dont on voit les agrès), prendre sur la droite, et continuer le long du terrain de football (à votre droite), jusqu’à voir les premiers murs.
Le point GPS 31°17 10N 04° 16 52W
En faisant ce petit kilomètre, ces trois kilomètres quand on part du mausolée Moulay Ali Cheriff, on parcourt plus de quinze siècles d’histoire marocaine.
N.B. : les Zénètes Kharijites sont aujourd’hui encore à Ghardaïa et dans le Mzab
N.B. 2 : Les Almoravides, dont le nom vient de « Ribat », couvent militaire, n’étaient pas non plus des petits rigolos. Abou Bakr, le fondateur de la dynastie et de Marrakech, fut aussi un réformateur du gouvernement du Maroc, qu’il jugeait trop corrompu.
17 Comments
Il est vrai qu’il n’en reste pratiquement rien de cette ville au nom mythique!
C’est triste de constater que le patrimoine et l’histoire d’un pays ne sont pas encore pris au sérieux comme il se doit!
Comme pour beaucoup de choses, ce n’est pas demain l’éveil…
Bonne journée et merci pour cette belle page d’histoire!
Merci :)
(en même temps, je suis impressionnée que de simples murs de pisé aient résisté aussi longtemps…)
Merci pour ce voyage dans le temps.
C’est ma petite contribution à la fête de l’Indépendance :)
Le fait que Sijilmassa ait disparu des memoires revient directement a la politique du gouvernement Marocain, allez demander au ministere de l’interieur pourquoi ils font si peu pour promouvoir cette ville et faire connaitre son histoire, la raison est plus politique qu’autre chose, l’etat Marocain essaye de changer la memoire collective des Marocains, et de leuf faire gober la version « officielle » des faits.
J’ai grandi a Ksar-Essouk (Errachidia), et je connais tres bien l’histoire du sud Marocain, saviez vous qu’ils allaient nommer kenitra « Hassaniya »? et que Mohammedia s’appelait « Fedala »?….
Beaucoup de villes marocaines ont changé de nom au cours de l’histoire, en fonction de la langue de la puissance qui les occupait. Les Mazagan, Mogador et Villa Cisneros, par exemple, ne se trouvent plus que dans de vieux romans, et pour certaines villes du sud, ce sont les français qui ont changé les noms, parfois par facilité, par exemple pour Goulmima qui est une simplification d’Igoulmimen.
En ce qui concerne Sijilmassa, je peux me tromper, mais je pense que cette politique d’oubli remonte à assez longtemps. Quand on voit la proximité de Rissani et ce qu’elle représente pour les Alaouites, quand on voit aussi la différente entre les Kharijites (mêmes « adoucis » par le commerce et la richesse) et les Malékites, il est évident que Sijilmassa était un risque politique important. Les Alaouites n’ont pas agi en cela différemment de leurs prédécesseurs, qui ont rasé les monuments almoravides ou saadiens à Marrakech, ou qui ont effacé toutes les traces du tombeau du Mahdi à Tinmel, par exemple.
Il est tout à fait exact que l’histoire du Maroc, telle qu’elle est enseignée au Maroc, est fortement instrumentalisée, que cela soit pour le passé lointain ou récent. C’est très dommage, et cela créé aussi des tensions.
Heureusement, pour ce genre de choses, internet est une grande richesse, surtout Google Books, qui met à disposition bien des livres anciens.
je suis contente qu’il y a des gens qui s’interessent à l’histoire de cette région car je suis d’origine
Sijilmassa a été détruite par AIT IZZA et non pas par AIT ATTA prière d’en prendre note
AIT ATTA étaient les alliés des Sijilmassis à cette époque
bonjour il n y a pas de touaregs au maroc
les touaregs sont au mali niger algérie mais pas au maroc
et j aimerai en savoir plus !!! slt.
J’ai visité la région d’errachidia et risani à l’occasion d’un voyage d’études. J’ai entendu parler de Sijilmassa dans cette région mais je n’est pas eu l’occasion de visiter même les vestiges de cette grande ville historique. Dommage que les locaux n’ont pas restaurer ces vestiges pour qu’il soit un lieu et un site toutistique
pour repondre a houdajediaris que aitiza ou aza est une sous famille des ait atta avec dans le sud est les ait khebach il y a 5 sous familles OK??
l’histoire de sijilmassa et de ses alentours m’interesse j’aimerai prendre contact avec celui ou celle qui la connait
merci
Bien que des efforts ont été fournies par l’auteur et lesquelles je le remercie.
Cependant sijilmassa merite qu’on lui accorde plus d’interet.
D’autre part je reproche au département de la culture de ne s’etre pas interessé à la restauration du précieux trésor que constitue les Ksours de Mdaghra…
En plus des caravanes d’esclaves noirs »soudanais » du Mali peut-il y avoir existé un commerce à Sijilmasa d’esclaves blancs(Sakhaliba) venus du Nord, Espagne ou Provence, au IXe siècle?
Si mezgarne pouvait me répondre
je suis algerienne de tlemcen
la colonisation fracaise a change le nom de sijelmassi a sedjelmaci
on est d origine de sijelmasa
d apres mon grand pere
il avait commerce entre cette ville et tlemcen ou nos arrieres se sont installer
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