Ce soir sur TV5, un reportage orginairement d'Arte, par Claudia et Günther Wallbrecht, sur un docteur Touareg.
J'étais fascinée par les similarités et les différences, avec un peu l'impression de regarder ce à quoi devait ressembler la vie des grands-parents de mes beaux parents...
Beaucoup de nos clients nous disent que Tazarine et le désert autour, et particulièrement Serdrar, ressemblent à la Maurétanie. Je n'y suis jamais allée, mais ce soir j'ai vu à quel point c'était vrai. Les couleurs sont semblables, surtout, cette tonalité sombre des pierres, des schistes noirs qui jettent comme un reflet sur le paysage et assourdissent la brillance des sables. Le sable passe du jaune éclatant à un ocre plus sombre, se rapproche étrangement de la couleur du sable mouillé sur nos plages, et dès qu'il y a un peu de brume, la lumière prend aussi comme un arrière fond de nuance grise. Et de temps en temps, un arbre solitaire, qui donne un abri à l'ombre au coeur de la journée.
Ousmane Dodo est un docteur qui fait sa tournée à dos de dromadaire, 10 mois par an, passant de rares journées avec sa famille. Il peut aussi passer de temps en temps trois ou quatre jours seul dans le désert, comptant sur son savoir ancestral pour se diriger. Il a suivi des caravanes avant d'étudier (l'école est obbligatoire en Maurétanie, et les enfants de parents nomades sont mis en pension), et connait bien les vraies difficultés et les conditions de vie des nomades, qui lui font confiance, justement parce qu'il est l'un des leurs. Un nomade d'une autre sorte, cherchant les hommes et les malades, au lieu des pâturages...
Un moment fascinant, pour moi, est quand on le voit suivre, du haut de son dromadaire, les traces des chèvres du troupeau familial, pour retrouver sa femme. Le sol est piétiné, plusieurs troupeaux sont passés là, mais il explique qu'on voit bien la différence entre chèvres blanches et chèvres noires, et la direction... et il arrive chez lui.
J'aurais sans doute crû à une mise en scène si je n'avais lu la même description dans le Désert des Déserts, ou Wilfried Thesiger raconte comment les bédouins sont capable d'identifier quasiment chaque dromadaire du troupeau à ses traces, et de reconnaître si un animal est mâle ou femelle, jeune ou vieux, gravide ou pas, quand ils croisent des traces sur la piste...
Les patients d'Ousmane ne savent pas lire, et il doit leur expliquer simplement comment prendre les médicaments. Il reçoit souvent des boîtes par les touristes européens, j'ai été fascinée de le voir déchiffrer la composition de l'un d'entre eux, nouveau pour lui... en latin ! Il essaie de donner des médicaments, mais travaille aussi avec les remèdes traditionnels. Avec un revenu moyen de 30 euros par mois, peu d'habitants d'Agadez peuvent s'offrir des médicaments, même génériques.
La vie est dure, la sécheresse gagne du terrain, les criquets passent, et les familles ont de plus en plus de mal à trouver des terrains où elles peuvent rester quelques semaines à paître leurs bêtes. Cette course après l'herbe rare a tué un petit enfant, né prématurément à sept mois, et la mère est tellement épuisée qu'elle pourrait bien mourir aussi. Mais la famille n'a pas pu s'arrêter quand le bébé est né, il a fallu repartir tout de suite, à la recherche d'un peu de verdure.
Un enfant né dans le désert sur quatre meurt avant sa cinquième année.
Mais tout n'est pas sombre dans ce reportage. Ousmane assiste à une fête traditionnelle à la fin de la saison des pluies, un grand rassemblement avant le départ des caravanes, mille deux cents kilomètres aller et retour en un mois, à travers le Ténéré, pour aller chercher le sel.
Et je me retrouve presque dans un moussem marocain, à Goulmine par exemple, où j'aimerais bien voir un tel concours de beauté de dromadaires, les bêtes et les hommes concurrant de parures, et dans l'assistance, des Touaregs dans leur costume traditionnel, sous le grand voile d'bleu noir luisant d'indigo, se protégeant en plus sous des parapluies multicolores. L'endroit est hors du temps, la "place" centrale une simple étendue de sable, bordée de quelques tentes, il n'y a rien d'autre. Rien, sauf un orchestre de cinq jeunes filles, qui chantent devant des micros, accompagnées par une guitare électrique que les hauts-parleurs portent au loin.
Les jeunes filles pourraient, aux habits près, changer l'ahaouache, les rythmes sont les mêmes, les balancements, la complicité dans le coeur, qui chante autant pour lui que pour son public, et même les montées parfois nasillardes des voix !
Mais les mots sont différents. Le tamasheq, la langue des Touaregs, n'est pas du tamazight ou du tachelhit, les dialectes berbères du sud du Maroc. Bilal a peine à les comprendre, et moi je ne capte pas un seul mot. Mais les noms d'endroits sont familiers, comme les sonorités de la langue. Agadez, Aguelmane, des noms que je peux voir sur des routes par chez nous. Il y a un Aguelmane vers Middelt.
Et surtout les femmes sont beaucoup plus libres. Elles ne sont pas voilées, discutent librement avec les hommes. Et Ousmane explique comment il a rencontré sa femme, dans un village où il soignait des patients. "Je l'ai vue, elle m'a plu, je lui ai demandé si on pourrait se marier. On parlait, la nuit, on causait toute la nuit, je revenais, on parlait, on faisait l'amour. Et puis on s'est marié". Les Touaregs sont monogames, et acceptent les relations avant le mariage, la femme peut demander le divorce à l'égal de l'homme...
J'ai retenu deux choses surtout, comme symbole de la différence entre nos mondes. Ousmane parle avec un de ses amis revenu d'Europe qui lui explique "Là bas il faut payer pour tout, tu montes dans le bus, tu payes, tu gares ta voiture, tu payes" et Ousmane de s'étonner...
Et surtout, la joie qu'il a de se baigner au pied des cascades d'Aguelmane. C'est si bon de pouvoir se plonger dans l'eau, se rafraîchir, nager quelques brasses... et cela ne lui arrive qu'une fois par an, tellement l'eau est rare dans ce pays.
Mais ce médecin qui gare son dromadaire n'importe où dans le désert, sans payer son parking, ce médecin des pauvres et des illettrés, qui ne peut nager qu'une fois par an, sait lire et comprendre les noms latins de nos médicaments...
4 Comments
bonjour je recherche une adresse pour faire un don a osmane dodo le docteur nomade merci
Bonjour à tous,
Moi aussi je cherche à faire un don ou à envoyer du matériel au Dr Ousemane Dodo. Merci de me donner un moyen de lui venir en aide.
Cordialement
BOUBOU
Bonjour...
Comment faire pour aider ousmane dodo ??
Lui faire parvenir des médicaments ou autres?
Dans l attente de vous lire
Merci a vous
Bonjour
nous sommes une agence de voyage au Maroc. L'article date de 2007 ... six ans déjà. Je suis totalement incapable de vous répondre, et je suis certaine que, si vous souhaitez aider des gens, il existe d'autres structures qui sont plus facilement joignables et peuvent bénéficier de votre générosité. Par exemple, pour les médicaments, l'Association Horizons des Handicapés de Ouarzazate fait un travail extraordinaire (http://www.association-horizon.org), et sinon d'une manière plus générale, nous travaillons avec les associations de Tazzarine (http://www.tazzarine.com)
Néanmoins, voici le lien de son association http://assaka.canalblog.com/
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