La Gazette du Chergui

Col de Tichka

Depuis hier, les transports publics marocains fonctionnent à nouveau.

Nous avons passé dix jours difficiles, surtout vers la fin, car les camions citernes qui assuraient le ravitaillement en essence faisaient eux aussi la grève. Même si nos chauffeurs étaient prêts à travailler, il fallait remplir les réservoirs. Et les clients qui se rendaient directement à l’hôtel n’avaient pas toujours la possibilité d’être là à temps.

Manifestement, les syndicats marocains connaissent très bien les calendriers des vacances scolaires et de la haute saison touristique.

Le bras de fer qui a eu lieu couve en réalité depuis deux ans. Déjà une première fois le gouvernement avait essayé de faire passer la réforme du code de la route, et avait dû l’ajourner. Votée au parlement en janvier, elle devait être promulguée avant l’été. Et les syndicats ont attendu le moment le plus sensible pour mener leur action.

Les touristes n’étaient pas les seuls touchés. En l’absence de transport, les prix des fruits et légumes ont commencé à monter aussi, pour atteindre des prix presque européens !

La question de la réforme du code de la route, et surtout de la réforme du mode de conduite des marocains reste posée. Le Maroc est globalement un pays peu sûr, même si les endroits les plus dangereux sont au nord, sur les grandes voies de transport de marchandise… Le nouveau code prévoit des amendes beaucoup plus importantes, jusqu’à 1.500 dirhams, et des retraits de points.

Les professionnels de la profession se sont révoltés, car cela représente plusieurs semaines de salaire. Et ce qui se dit, entre les lignes, c’est que cela va engraisser beaucoup les policiers. Le “PV” de 400 dirhams s’oublie pour un montant compris, selon les capacités de négociations, entre 25 et 50 dirhams. Là il faudrait monter jusqu’à 500 dirhams…
La réalité c’est que, comme dans tous les pays, les professionnels de la route sont plutôt de bons conducteurs, sauf quand ils sont sous la pression des délais. Et que les patrons marocains ne sont pas plus indulgents là dessus que les autres “tu fais ce que tu veux, mais tu dois être là dans tant de temps…”. Un système à l’allemande, où le patron perd des points sur son propre permis en même temps que son salarié est sans doute le seul qui puisse arriver à régler le problème.
Les nouvelles amendes sont effectivement trop fortes par rapport aux salaires, et de toute façons, les routiers ont besoin de travailler.

Pour sécuriser la route marocaine, il faudrait aussi faire repasser son permis à toute une génération où il se donnait assez facilement. Il faudrait entretenir les routes, par exemple celle de Tichka a été abimée par les neiges de cet hiver, et ressemble à une piste à certains endroits, tellement les nids de poule sont importants. Et il faudrait interdire de circulation beaucoup de véhicules trop vieux.

Oui mais… il faudrait aussi que ceux qui gagnent péniblement leur vie grâce à ces voitures et camions hors d’âge aient les moyens d’en acheter de plus neufs, il faudrait aussi que les contrôles soient réellement efficaces, et ne se terminent pas, dans la plupart des cas, “à l’amiable”.

Finalement, la grève qui a eu lieu est typique du Maroc et de ses problèmes, inextricables à moins de trancher le noeud gordien.