L’avantage du LH 4116 Francfort – Casablanca est qu’il arrive très tard, quasiment à minuit. On passe rapidement les contrôles, il n’y a plus d’autre avion, et les policiers et douaniers doivent avoir envie de rentrer chez eux aussi, et puis on se retrouve tout de suite sur une véritable autoroute marocaine, où une Mercedes un peu pressée essaie de rajouter une troisième voie en forçant son passage entre un camion et un bus. Quelques coups de klaxon, et c’est tout, pas d’accident, et aucune réaction de la voiture de police juste derrière nous. Casablanca en pleine nuit est surprenante, toute vidée de son animation habituelle, silencieuse, presque propre, les grandes avenues paraissent trop larges, alors qu’en journée on avance au pas, au milieu de trois ou quatre files embouteillées et dans un vacarme de klaxons.
Et dans cette obscurité, la colonne lumineuse du minaret de la mosquée Hassan II, qui signale la direction de la mer, est encore plus visible. Du balcon de l’hôtel j’ai l’impression d’être juste à côté.
Cette année, la mosquée est en travaux. Ou plutôt les piliers soutenant la partie construite au-dessus de la mer sont en cours de consolidation. C’était un joli litige, plusieurs dizaines de millions d’euros, une belle histoire marocaine bien compliquée, une dispute entre Bouygues et l’état marocain… Donc les 2/3 environ de la mosquée sont bâtis au-dessus de la mer, sur des piliers de bétons ancrés dans la roche. Mais voilà, ces piliers se fissurent, menaçant la stabilité de l’édifice. Bouygues argue des difficultés techniques, une telle construction était une première, la force des vagues avait été sous-estimée, et puis de toutes façons on est au-delà de la garantie de 20 ans quand le défaut est découvert, c’est donc à l’état marocain de payer.
Ah mais non, car voilà, la réception de la mosquée n’a jamais été signée, et c’est à partir de la signature que court la durée de la garantie. C’est donc à Bouygues de payer dit l’état marocain.
Le compromis a dû être trouvé, car une rangée de grues se trouve maintenant devant la mosquée. Bonne nouvelle, on pourra bientôt à nouveau en faire le tour par la mer.
Ce bâtiment est magnifique. La mosquée elle–même est superbe, au-delà de la prouesse technique, de l’immense toit qui peut s’ouvrir en deux pour permettre à l’assemblée des croyants de prier à ciel ouvert, avec ses décorations traditionnelles, les immenses salles de prière entièrement marbrées, les plafonds sculptés, les salles d’ablutions aux fontaines en forme de lotus… Mais plus que tout sa situation est unique, bâtie sur une immense esplanade, directement sur la mer, bien détachée sur un ciel sans nuage. Dans tout ce bleu, la mosquée devient comme un vaisseau blanc voilé de vert.
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