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  • #RIPAmina ou la schizophrénie marocaine

    [Edit]Pendant que j’écrivais cette article, une marocaine avait le courage de faire grandement bouger les choses, en racontant, sous sa véritable identité, comment elle a été violée. C’est très courageux, et cela mérite d’être lu. C’est ici : « Ce n’est pas de votre faute« .[/Fin]

    Pour ceux qui n’auraient pas suivis, Amina Filali est une jeune mineure marocaine qui s’est suicidée. Elle a été violée, puis, sous la pression combinée du juge et des deux familles, « fortement poussée » à épouser son violeur. Elle a alors choisi de se suicider. Le Maroc s’en est ému, le buzz s’est fait dans les réseaux sociaux, sur Facebook, sur Twitter, avec le hashtag #ripamina, et le gouvernement et les associations remettent en cause beaucoup de choses.

    Mais derrière cette émotion, n’y a t il pas, comme à l’habitude, cette bonne vieille schizophrénie marocaine qui conduit à s’indigner de ce qu’on fait soi même ?

    Le viol n’est pas un grand crime au Maroc, et la fille est la première fautive

    Ou du moins pas pour le violeur. Il risque, au plus, cinq ans de prison. La fille, elle, perd tout, son honneur en premier, celui de sa famille, et même de ses soeurs, si elle en a.

    Car ici, la fille est responsable de ce qui lui arrive. Oh pas tout le temps, bien sûr. Disons qu’une fille qui serait restée chez elle, dont la maison aurait été envahie par des brigands, qui aurait vu sa porte forcée et qui aurait été violée, celle là n’aurait pas été responsable. Mais celle qui « aurait fait des avances », « n’aurait pas été habillée correctement », « serait allée là où elle n’est pas en sécurité », « aurait pensé oui mais dit non juste par pudeur », celle là est responsable de son viol.

    Donc ce n’est pas un viol.

    Donc elle a perdu son honneur. Elle ne peut plus se marier. Et sa honte rebondit sur sa famille, ses soeurs sont sans doute aussi dépravées qu’elles, à risque, à problèmes, à éviter.

    Donc on s’arrange. On lui trouve un mari, n’importe qui, qui acceptera de cacher la souillure, d’endosser la paternité éventuelle, bien sûr contre monnaie sonnante et trébuchante. Il est rare que cette personne soit le violeur. C’est plutôt un homme pauvre, qui espère trouver une source de revenus. Le plus souvent, ces couples divorcent, quelques années plus tard, mais ce n’est pas grave, le pire a été évité.

    C’est rarement le violeur. Et il est exact que dans le cas d’Amina Filali, on a dépassé les bornes, dans tous les sens du termes, en lui imposant une abomination, qu’elle refusait.

    Ce que dit l’Islam, et ce que dit la loi marocaine

    Sans rentrer dans les détails :

    • il n’y a de relation sexuelle possible et légale que dans le cadre d’un mariage
    • on ne peut imposer un mariage à une fille, même mineure, elle doit y consentir. Pour préserver sa pudeur, son consentement peut être un silence (autrement dit, elle doit refuser explicitement son mariage)
    • dans le cas d’un détournement de mineure, aucune poursuite n’est possible si un mariage survient (ce qui est aussi le cas pour les relations sexuelles entre adultes, et une des armes favorites des jeunes marocaines mettant le grappin sur les gaouris)

    On est là donc clairement « hors la loi ». Mais pas en dehors de la pratique

    Marier sa fille le plus tôt possible, pour préserver son honneur

    Je vis à Ouarzazate, dans le sud du Maroc. C’est à dire pas dans une région « évoluée », loin des grandes villes. J’ai personnellement plusieurs fois assisté à la cérémonie du drap, que les citadins de Casablanca ou Marrakech ne connaissent plus, j’ai vu des filles se marier à dix-sept ans avec la bénédiction du juge, de la famille, et beaucoup de bonheur de leur part, parce qu’il était temps, à leurs yeux, de devenir femme, au lieu de trainer à la maison.

    Savez vous que lorsque vous allez à Imilchil, vous participez en fait à ce même style de traditions ? Que les filles Ait Hadiddou étaient mariées dans la famille, très très jeune (à l’époque du protectorat, vers treize - quatorze ans) avec un cousin, et que, une fois ce mariage arrangé consommé dans l’honneur, elles avaient ensuite toute liberté de divorcer et de trouver un homme qu’elles aimaient ?

    Personnellement, j’ai vu au moins deux filles mariées à toute vitesse, parce qu’elles avaient fauté. Je n’ai pas « vu » des cas comme celui d’Amina Filali, mais je suis certaine qu’il en existe autour de moi, surtout que, dans la plupart des cas, les viols sont commis par des proches.

    Il y a deux mondes au Maroc : celui des « occidentalisés » et l’autre. Je l’ai déjà dit au temps de l’affaire Mourtada, et ce genre de choses ne change pas en quelques années.

    Pleurer Amina Filali, ou changer sa propre vision

    J’ai twitté tout à l’heure ceci :

    Combien de ceux qui twittent #RIPAMina auraient accepter d’épouser une fille violée et de l’imposer à la famille ? #schizomarocaine

    Ce à quoi il m’a été répondu que je disais des conneries ^^

    C’est pas non plus parce qu’on ne twitte pas #RIPAmina qu’on accepterai d’epouser une fille violée.. #Conneries [...] pas forcément, la majorité qui en parle combattent ce problème !

    Or entre combattre le problème, et être capable de le gérer quant il vous touche, il y a une énorme différence. Toute la différence qui fait que, malgré les lois, il pèse encore une énorme pression sur Amina et ses pareilles.

    Quand une fille porte plainte pour viol, elle se met sous la lumière, elle et sa « honte » (la fameuse shouma, omniprésente en tout ici). Elle sait qu’elle va porter cette honte sur ses parents, que cela va la suivre partout. Lutter contre le problème en manifestant et en twittant, ou bien dans sa propre vie privée, c’est deux choses très différentes.

    Combien dans tous ceux qui manifestent, si leur copine se faisait violer, n’auraient pas la tentation de lui conseiller « pour son bien », de ne pas porter plainte ? Combien seraient à même d’assumer les commentaires, le bouleversement de leur vie, combien imposeraient à leurs parents de l’épouser quand même ?

    Dans un pays où les chinois vendent à Derb Ghalef des milliers de kit de réparation de l’hymen, dans un pays où on se marie « entre soi », avec des taux de mariage entre premiers cousins qui dépassent les 30%, dans un pays où les couples illégitimes sont toujours à la merci d’une dénonciation, dans un pays où même dans les « couches supérieures » de la société, la tradition reste reine, on boit peut être, mais on ne badine pas avec l’honneur (il n’y a qu’à voir Marok), c’est bien et honorable d’être progressiste, de dénoncer un abus, et de lutter contre.

    Mais je pense que, conformément à l’habituelle schizophrénie marocaine, au moins une grande minorité de ceux qui pleurent Amina Filali n’épouseraient pas une fille violée. Ou fille mère… (c’est pareil, ici).

    La loi marocaine est une des plus avancées dans le monde musulman, en ce qui concerne le statut de la femme. La punition du viol va sans doute être renforcée, et c’est une bonne chose. Mais quelle faible proportion des viols est réellement dénoncée ? En France, on pense un viol sur dix. Ici ? Un sur vingt ? Un sur cinquante ? Un sur cent ? Et cela, ce n’est pas la loi qui le change. C’est le garçon qui prend par la main une fille mère, et qui l’épouse. Et pour cela, il faut que, dans sa tête, il puisse déjà en tomber amoureux.

     

     

    2 Comments

    1. ML
      Posted 26 mar '12 at | Permalink

      Je trouve votre article très pertinent.
      Etant française et non-musulmane, je ne comprends surement pas pourquoi il y a de telles différences entre hommes et femmes.
      Mais ce que je comprend c’est que chaque être humain doit être respecté et traité de la même manière. Et ce que je vois c’est qu’il y a des personnes, comme vous, comme Houda avec son témoignage, comme Amina à travers son acte désespéré, qui amènent le peuple à un éveil des consciences. A se rendre compte que de tels actes ne doivent pas être tolérés.
      Pour me donner un peu plus confiance en l’être humain, merci.
      Bonne continuation.

    2. Posted 26 mar '12 at | Permalink

      Bonjour,

      merci pour votre commentaire. Je ne voudrais pas m’attribuer un mérite que je n’ai pas. Je suis aussi française, et aussi non-musulmane. Je suis mariée à un musulman, je vis au Maroc, et depuis très longtemps, je m’intéresse beaucoup non seulement à la religion musulmane, mais aussi à la culture des pays musulmans, et aux autres religions du livre.

      Je vais juste vous dire quelque chose sur la différence entre hommes et femmes, car cela mériterait un très long développement, qui n’a pas trop sa place ici.

      Aux yeux de l’Islam, l’homme et la femme sont égaux, même si ils ont des rôles différents, et derrière des obligations différentes. La « subordination » de la femme à l’homme est plus un fait culturel que réellement religieux, à quelques exceptions près, et dans la pratique, la femme est mieux considérée en Islam que dans la religion juive traditionnelle (où elle a moins de devoirs, et où le juif prie tous les matins en remerciant Dieu de ne pas l’avoir faite femme). Quant à la religion chrétienne… elle n’a pas non plus beaucoup favorisé l’émancipation de la femme.

      Ce drame atroce est le résultat de l’ignorance, et de la « culture ». Jamais l’Islam ne force à une telle chose, et des membres du gouvernement PJD ont souligné à plusieurs reprises que l’article de loi qui a été utilisé a été détourné de sa fonction première.

      Un des grands drames, c’est cette confusion entre culture et religion, qui d’une part autorise les pires excès de la part de fanatiques drapés dans la justification religieuse, et d’autre part finit par faire pointer du doigt une religion, et non pas des pratiques déviantes.

      Je vous conseille la lecture d’un livre remarquable de Germaine Tillon « le harem et le gynécée », qui porte un regard d’ethnologue sur ces questions.

      Mais le plus important c’est ce que vous soulignez : les choses bougent enfin, et l’espoir d’une évolution positive est possible.

      Merci pour votre passage.

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