La Gazette du Chergui

Il pleut, il pleut berbère, sort tes moutons … c’est sans doute ce qu’on chanterait ici ! Depuis deux semaines environ il pleut régulièrement sur Ouarzazate, et c’est un vrai bonheur. Au moment où la pluie tombe il se dégage une bonne odeur de terre mouillée, d’air débarrassé de sa poussière, de fraîcheur, si précieuse ici. Si il y a plus que quelques gouttes, alors on sait que les jardins vont verdir, les récoltes seront bonnes.

Ici la pluie est un signe de chance, et pas seulement en cas de mariage. Parce qu’on est en Afrique, parce qu’une partie du pays est recouverte par les sables du désert, la pluie est précieuse.

Il y a deux mots en berbère pour désigner la pluie : Tagout, quand il pleut un peu, pas longtemps, ça mouille, mais juste en surface. L’averse, l’ondée chez nous. Et Anzar, le temps de pluie, l’eau abondante qui tombe, plusieurs jours, longtemps, qui s’incruste dans la terre. Quand il y a la sécheresse, chez les berbères, on fait la cérémonie de la fiancée de la pluie, Tislit n Unzar, qui est aussi le nom de l’arc en ciel.

Couleur d'arc en ciel

On trouve sur beaucoup de sites la légende de l’épouse du dieu de la pluie. Mais c’est sur ce blog de la région du Dadès que j’ai trouvé le texte qui me convenait le plus, car il décrit le rituel assez précisément.  Ce récit est aussi assez beau et lyrique.

Alors voilà… chez nous la pluie, c’est gris, c’est froid, c’est le brouillard, l’hiver. Ici ce sont les sept couleurs de l’arc en ciel (qui étaient les sept rubans de la fiancée de la pluie… et rappelez vous dans la mythologie grecque, l’arc en ciel, c’est l’écharpe d’Iris, la messagère des Dieux et la petite-fille de Gaïa, la terre), et malgré la boue ocre qui colle si lourdement aux chaussures dès qu’Anzar nous rend visite, la pluie c’est le bonheur. Quand elle arrive, nous quittons nos PC, nous ouvrons la fenêtre, on fait la pause, on se congratule et on souhaite que cela continue longtemps.

La vision des champs complètement inondés, de l’eau qui a débordé des seguias, les canaux d'irrigation pour envahir les parcelles n’est pas une désolation. Je me souviens d’un mariage, cet hiver, vers Zagora, aux couleurs sourdes et rouge sombres, il n’y avait pas eu de danse dehors, il était déjà difficile de ne pas glisser dans les ruelles en pentes qui descendaient vers la palmeraie, mais tout le monde se félicitait du bon présage. La fiancée « amenait la pluie » dans sa nouvelle maison.

La visite d’Anzar permet aux nappes souterraines de se reconstituer. Elles sont principalement remplies par la fonte des neiges de l’Atlas, qui compte beaucoup dans l’irrigation du Maroc, où la pluviométrie est capricieuse, irrégulière, et globalement insuffisante. Après des années de sécheresse dans le sud, qui ont vu de nombreuses palmeraies se désertifier, c’est maintenant au tour du Nord de souffrir, à la fois de sécheresse et de pluies trop soudaines et diluviennes, qui peuvent provoquer des glissement de terrain, des inondations, ou paralyser toute une ville comme c’est arrivé pendant quelques jours à Casablanca cet hiver.

Le désert inondé

Donc, il pleut à  Ouarzazate en ce moment, et à Tazzarine, et dans toute la vallée du Draa. Et c’est très bien ! Dans très peu de temps, Anzar remontera dans son ciel, avec son épouse. Il restera un paysage vert, accueillant pour les touristes, et pour tout ceux qui étrangement, cherchent le soleil au lieu de le fuir.

Venez fêter Anzar avec nous !